Appel à communication JE Archéorigines : Exposer le passé, construire des identités, forger une nation

Exposer le passé, construire des identités, forger une nation

Retour et détours sur la naissance des musées d’archéologie en Europe

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RÉSUMÉ

Le laboratoire junior ArchéOrigines de la Maison de l’Orient et de la Méditerranée (MOM) organise une journée d’étude portant sur la naissance des musées d’archéologie en Europe. Nous souhaitons ainsi nous interroger collectivement sur les conditions d’apparition de ces musées, les dynamiques de mobilités culturelles, les modalités de création des collections d’archéologie ainsi que sur les liens qui peuvent exister entre la constitution de ces dernières et les questions d’identités. Cette journée se veut donc un espace d’échange sur ces sujets qui traversent plusieurs de nos disciplines, sur une aire géographique étendue et dans le temps long, ce qui nous donnera sans aucun doute l’occasion de nous pencher sur des personnes, thématiques, périodes ou régions qui demeurent peu ou mal connues.

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Argumentaire

Je m’appliquai donc à l’antiquité, j’en fis une étude sérieuse : je lûs les auteurs profanes tant grecs que latins; & non content de ce qu’ils nous apprennent sur la fable & sur l’histoire, je commençai il y a environ vingt-six ans, à ramasser des desseins et des pièces antiques. […] Le voiage d’Italie que je fis avec la permission de mes Supérieurs en 1698, & le séjour de trois ans dans ce payis, qui fournit lui seul plus d’antiquitez que toutes les autres régions de l’Europe, furent très-favorables à mon dessein. La meilleure partie de ce tems fut emploiée à visiter les monumens antiques & les cabinets qui s’y trouvent en grand nombre, à augmenter mes recueils, & à acquérir de nouvelles connoissances sur cette vaste mer de l’antiquité.

Ces mots tirés de la préface du premier tome de l’ouvrage de Bernard de Montfaucon, L’Antiquité expliquée et représentée en figures de 1719, témoignent de la fièvre antiquaire qui saisit nombre d’érudits européens à l’époque moderne ainsi que leur désir de publier le fruit de leurs recherches dans des recueils richement illustrés. Au même moment sont fondées des sociétés savantes (l’Académie des inscriptions et médailles en 1663, la Preußische Akademie der Wissenschaften en 1700, la Society of Antiquaries of London en 1707 pour n’en citer que quelques-unes) qui font la part belle à l’étude et aux discussions sur les vestiges du passé.

S’inscrivant dans la même démarche antiquaire, le Musée des Monuments français, créé par Alexandre Lenoir à Paris en 1795 dans le but de sauver des déprédations révolutionnaires les peintures, sculptures et autres objets d’art religieux, joue un rôle crucial dans la compréhension et la sauvegarde du patrimoine. Puis, au siècle suivant, de nombreux musées exposant des objets archéologiques ouvrent leurs portes un peu partout en Europe et notamment dans sa partie septentrionale : mentionnons le Oldnordisk Museum de Copenhague (1819), le Römisch-Germanisches Zentralmuseum de Mayence (1852) ou encore le Musée des antiquités celtiques et gallo-romaines de Saint-Germain-en-Laye (1867).

Hormis ces exemples bien connus, d’autres lieux exposent aussi des artefacts : ce sont les muséums d’histoire naturelle, les musées ethnographiques, les musées locaux, les collections privées ou semi-privées et les cabinets de curiosités. De même, des personnes telles que Émile Guimet (1836-1918), Praskovia Ouvarova (1840-1924) ou Károly Újfalvy (1842-1904) rapportent de leurs voyages des objets contribuant à l’enrichissement et au développement de ces institutions. En fonction des conservateurs, différents musées exposent des objets archéologiques à des fins distinctes : valorisation du patrimoine de la ville, présentation d’un site ou d’une collection particulière. Par ailleurs, certains musées des beaux-arts montrent eux aussi du matériel archéologique, de quelle façon doit-on appréhender ce type de présentation ?

Aussi serait-il réducteur de considérer que seuls les critères d’objectivité et de scientificité président à l’étude, à la sélection et à l’exposition des artefacts archéologiques dans les musées. En effet, ces derniers ont été des auxiliaires très efficaces dans les processus de construction nationale à travers l’Europe où, aux côtés de l’enseignement, en appoint de la littérature et en complément de l’histoire, ils ont permis de mobiliser le patrimoine matériel au service, voire au secours, d’une identité qui cherche, selon les cas, à s’affirmer ou à se confirmer. En outre, la création de musées des moulages au sein des universités a permis une accélération dans la formation de nouveaux spécialistes en archéologie et muséologie qui vont façonner de nouvelles identités culturelles.

Pareillement, qu’en est-il des musées d’archéologie des nations sans État, situation qui est loin d’être rare au XIXe siècle ? Quel(s) sens donner au syntagme « musée national », dénomination qui se retrouve dans plusieurs pays européens et en particulier dans ceux d’Europe médiane et orientale ? Qu’est-ce qui sépare ou rapproche le Musée Impérial d’Istanbul, le Musée Archéologique de Split et le Musée National d’Antiquités de Bucarest ? Quels liens peut-on établir entre un musée d’une capitale impériale, celui d’une ville d’un Kronland de l’Empire d’Autriche et un établissement d’une principauté à la fois tributaire de l’Empire ottoman et sous protectorat russe ? Bien qu’étant tous fondés, avec quelques décennies d’écart, au XIXe siècle, chacun d’entre eux se fait l’écho de contextes politiques, culturels et identitaires différents, de telle sorte que les conditions de constitution de ces établissements doivent être interprétées à l’aune de ces éléments.

Les paramètres d’échelle sont également un facteur à prendre en compte et à solliciter, puisque ces musées ne sont pas conçus et envisagés de la même manière au niveau local, régional, national ou impérial. Cette question peut d’ailleurs être mise en rapport avec les dynamiques de circulation des personnes et des idées au sein de cet espace européen, car les modèles culturels sont en mouvement et se transmettent, se modifient, se réinventent au gré du temps.

Ainsi, que ce soit en matière de scénographie (celle de la Skandinavisk-etnografiska samlingen de Stockholm qui va inspirer d’autres musées nordiques) ou de style architectural du bâtiment proprement dit (William Evans Hoyle, premier directeur du futur National Museum of Wales, voyage en Allemagne et en Suède afin de déterminer quel type d’architecture lui donner), des influences – revendiquées ou implicites – peuvent être identifiées et analysées.

Dans cet esprit, les contributions de la journée pourront, sans s’y limiter, porter sur les circonstances de création des musées d’archéologie, la mise en place de leurs collections, l’instrumentalisation du passé et sa matérialité à travers les expositions des objets archéologiques, les mobilités transnationales des personnes, idées et objets ainsi que sur la fabrique des nations dans les musées en tant que dispositifs concrets de constructions identitaires.

L’aspect paneuropéen étant au cœur de notre laboratoire junior, une attention toute particulière sera portée aux propositions traitant d’aires autres que celle de l’Europe occidentale.

Modalités de soumission des propositions

Les propositions de communication (2500 caractères maximum, espaces comprises), accompagnées d’une courte notice biobibliographique et des coordonnées scientifiques, devront être envoyées à l’adresse suivante : archeorigines@gmail.com

avant le 14 mai 2023.

Les personnes dont les propositions seront retenues se verront notifiées par courriel à la fin du mois de mai.

Les présentations dureront 20 minutes et seront suivies, après chaque intervention, d’un temps d’échange avec la salle.

Cette journée d’étude se tiendra en présentiel à Lyon le samedi 9 septembre 2023.

Comité d’organisation

  • Linca Kucsinschi (Université Lyon 3)
  • Anastasia Aksenova (Université Lyon 2)
  • Adrien Frénéat (Université de Bourgogne & Université Lyon 2)
  • Adrien Tourasse (Université Lyon 2)
  • Mathieu Mokhtari (Université Lyon 3 & Inalco)
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