De la matérialité à la signification des artefacts
Coordinateurs : Arianna Esposito et Bérangère fort
Ce programme ambitionne la mise en œuvre d’un dialogue trans-périodes entre archéologues, historiens, historiens de l’art, spécialistes des matériaux (géologues, dendrologues…), scientifiques de la conservation et conservateurs-restaurateurs autour des objets, des matériaux, des techniques, des gestes et des savoir-faire. En croisant approches techno-économique, techno-fonctionnelle, socio-culturelle et symbolique, nous souhaiterions questionner d’une part ce que l’objet dit de la société dans laquelle il est produit ou utilisé, d’autre part la « biographie » des objets, de la chaîne opératoire de production, avec l’acquisition des matières premières, jusqu’aux conditions de prélèvement, étude, conservation, restauration et exposition. Le lien au territoire dépasse néanmoins le seul cadre de la provenance des matériaux : en effet, l’objet, à chaque étape de sa « biographie », s’inscrit dans un contexte localisé et daté. Les chercheurs travaillant dans cet axe veilleront ainsi à cette nécessité d’ancrage de l’objet dans son contexte de temps et d’espace (un objet n’a pas d’existence s’il n’est pas replacé dans la société qui l’a produit / utilisé).
Ainsi, quatre sous-thèmes interconnectés composent cet axe qui, en tenant compte justement de la chronologie de la vie de l’objet, s’organisent de la manière suivante :
– 1) Extraction, production, diffusion : Avec en toile de fond commune les relations entre les hommes et leur milieu, envisagé dans l’axe 2, plusieurs thèmes de recherches étudieront le fonctionnement de l’approvisionnement des matières premières et des réseaux de circulation. Ces perspectives sont déjà développées dans l’actuel contrat et se poursuivront dans le prochain. Ce dernier thème est essentiellement axé sur l’extraction, l’exploitation / lien du territoire (voies commerciales, échanges, organisation des ateliers, structuration sociale du territoire).
– 2) L’objet, ses usages et ses significations : marqueurs sociaux, les objets véhiculent des pratiques culturelles mais peuvent aussi s’inscrire dans des contextes d’usage différents de ceux pour lesquels ils ont été initialement façonnés (réutilisations, réemplois, etc.) et acquérir ainsi de nouvelles valeurs sociales. Enfin, il sera question de s’interroger sur le savoir-faire des sociétés, leur aire de diffusion culturelle et de rayonnement socio-économique.
– 3) La matérialité des objets : la matérialité d’un objet permet de questionner l’environnement de sa production (matière première, outils, traces, archéologie expérimentale) et d’explorer les cultures techniques qui l’ont produit. S’intéresser à la matérialité même d’un objet relève par ailleurs du sensible et de l’intelligible et suppose pour autant que l’on prenne en considération la forme, le volume, l’échelle, la texture, etc. d’un objet lors de son exposition. Dans ce thème s’inscrivent également les questions liées au recyclage, au réemploi et seconde main/ nouveaux matériaux à partir cette fois-ci de la matière de l’objet. L’idée est ici également d’appréhender comment les matériaux avec lesquels sont réalisés les artefacts peuvent apporter du sens à ces objets en participant à de croyances et à des systèmes de valeurs, y compris économiques.
– 4) Objets, corpus, collections : ce triangle demeure le socle de nos études. Questionner nos protocoles, depuis la découverte de l’objet jusqu’à sa conservation finale et à sa valorisation, et bâtir des référentiels constituent des étapes qui évoluent au contact des disciplines nouvelles et des domaines d’études distincts. Cela suppose d’envisager également les liens avec la société d’aujourd’hui et les questions de restitution au public (animation / médiation), de considérer des attentes de la société d’aujourd’hui vis-à-vis des traces du passé incarnés par des objets (ex. : la demande de restitution de vestiges archéologiques, des restes humains dans le contexte post-colonial, …) – la question des moulages (authenticité / reconstitution / pratiques muséographiques datées…) entre notamment dans ce cadre, mais aussi l’avenir des collections et leur inaliénabilité qui évolue dans le temps. On s’attachera à considérer également les problématiques de conservation-restauration et des choix de conservation qui peuvent être opérés lorsque l’objet entre / est dans sa « vie » muséale.
Programmes de recherche de l’axe
Le dépôt a été découvert en 2003 par les propriétaires d’une parcelle agricole lors du dessouchage d’une haie arbustive. Ce n’est qu’ 2012, après avoir pris conscience de la valeur patrimoniale et scientifique de l’ensemble, qu’ils ont pris soin de contacter le SRA Rhône-Alpes afin de déclarer leur découverte.
Ce projet collectif de recherche se propose donc de travailler dans un cadre pluridisciplinaire afin d’étudier et de caractériser ce dépôt dont l’attribution chronologique peut être située entre le Bronze A2 et le Bronze B.
En savoir plus
Le nouveau programme Mobilités professionnelles de l’Antiquité au Moyen Âge (A. Esposito et P. Kossmann) s’inscrit dans deux tendances récentes des études sur les sociétés antique et médiévale européennes. La première incite les historiens à délaisser la perspective globale sur la société, pour se concentrer sur l’étude de groupes supposés homogènes (par exemple les élites, ou les esclaves). La seconde s’intéresse à la notion de connectivité, en particulier dans le bassin méditerranéen. Il s’agira d’analyser et comprendre les mouvements auxquels sont sujettes ce que nous appelons des catégories socio-professionnelles (soldats et mercenaires, artisans, musiciens, main-d’œuvre spécialisée…). Leur mobilité apparaît à la fois sociale et spatiale. Les membres de ces groupes pouvaient en effet avoir besoin, pour exercer leur profession, de se déplacer vers les régions où leur compétence était nécessaire. Ces déplacements engendraient des échanges et une transmission des savoir-faire, mais aussi, quelquefois, des phénomènes d’intégration.
Ce programme s’appuie sur une approche pluridisciplinaire pour la compréhension de la construction des terroirs de la Bourgogne viticole : l’espace de Beaune à la Colline de Corton où interagissent un espace urbain et un espace viticole pourtant réduit, concentre toute la gamme des appellations depuis les régionales jusqu’aux grands crus blancs qui coexistent avec les grands crus rouges ; il s’ouvre vers les Hautes-Côtes et finit dans des vignobles de plaine. Il concentre aussi un bon nombre de sources archéologiques, historiques et des résultats acquis (géologie, pédologie, climatologie, toponymie, grand et petit patrimoine bâti) et à développer (biodiversité des sols). Fédérant plusieurs équipes de recherche du campus dijonnais, c’est l’un des programmes du thème principal « La construction de la qualité des vins » du pôle « Bourgogne-Vignes-Vins de l’Université de Bourgogne, Conseil régional et de la filière viti-vinicole du groupe thématique « Vigne et Vin » de la MSH Dijon.
Le programme La pierre, matériau culturel (J.-P. Garcia et F. Delencre) interrogera la naturalité (en tant que ressource géologique) et la culturalité (marqueur des choix d’un groupe social) de la pierre à bâtir, matériau traité surtout pour ses économiques et techniques jusqu’à présent. Associant les analyses de l’archéologie du bâti, de l’histoire, des systèmes d’information géographiques, et de la géologie, exploitant notamment le dernier «Atlas de la Pierre en Bourgogne» construit sur le précédent contrat, ce programme poursuivra les thèmes élaborés pour différentes périodes: l’appropriation des matériaux et les styles de constructions régionaux gallo-romains, une anthropologie de la pierre médiévale (structures bâties cisterciennes, pierres tombales …).
Dans le cadre de l’Etude du matériel métallurgique (S. Wirth) ont été regroupés les projets que l’on peut qualifier de « techniques » (analyses chimiques, extraction du métal, fabrication…), mais aussi liés à la mise en œuvre de typologies, ou à l’analyse artistique et stylistique des objets en métal. Ainsi la Caractérisation chimique de la métallurgie dans l’Est de la France au Bronze moyen correspond à un PCR demandé pour 2015 (M. Gabillot). Le travail mené sur la Bourgogne /Franche-Comté permettra d’envisager des comparaisons de la recette métallurgique avec l’Ouest et le Centre de la France, et par là-même, de mettre en évidence l’identification de groupes culturels par l’analyse morphométrique des objets. L’analyse des Sites miniers en cHaut-Morvan, apport topographique sur les 10 communes autour de Bibracte-Mont Beuvray (G. Hamm) sera poursuivi, l’inventaire en ayant été dressé lors du précédent quinquennal. Le projet portant sur La métallurgie dans le massif ardennais (M. Pieters) est en cours de montage et devrait débuté en 2016, en collaboration avec le GEGENA2 de l’Université de Reims. L’ Etude techno-typologique des épées à manche massif de l’Âge du Bronze (S. Wirth) sera liée à l’établissement d’une base de données de ces productions datant de la période du XVe au IXe s. av. n.è. dont la partie orientale de la zone de répartition. Des analyses radiographiques, voire densitométriques, effectuées sur des armes conservées notamment dans des collections du Grand-Est, nous permettront d’accéder à un potentiel inédit dans ce domaine. Dans le cadre de ce projet, un sujet de thèse sera proposé en 2017.
Un second volet est davantage consacré aux aspects stylistiques, avec une exposition à Nuremberg en 2017 sur La vaisselle métallique à l’âge du bronze. Ils seront aussi envisagés dans le cadre de la transmission des modèles, avec Le phénomène du mimétisme dans la production humaine ; une rencontre internationale et interdisciplinaire permettra à des spécialistes de toutes les périodes, mais aussi à des économistes, à des éthologues, théoriciens du design … de réfléchir sur ce thème.
Un programme portant sur Production et reconstitution de la parure féminine au bronze final (S. Wirth) envisagera la reconstitution du costume (funéraire) et l’interprétation des codes vestimentaires du Bronze final à la lumière des découvertes récentes, notamment en France et en Allemagne. Une enquête menée sur les garnitures de parure vestimentaire attestées dans des dépôts métalliques et en contexte funéraire, entre les plaines préalpines de Bavière et le bassin versant du Rhône, donnera contour aux femmes longtemps « masquées» par l’omniprésence de la mise en scène du corps masculin de cette époque, qualifiée de «guerrière» par les spécialistes (masculins).
Quelques projets permettront de diversifier les régions d’étude, et permettront d’établir des comparaisons, avec la
Métallurgie du Levant (F. Cattin), projet en cours d’évaluation pour l’obtention d’un financement européen ERC-Starting Grant, ou Les ruines de Loropéni (Burkina Faso) (F. Monna) ; le site dont les niveaux les plus anciens à ce jour datent du XIe siècle, ont été récemment classées au patrimoine mondial de l’UNESCO. De nombreuses mines d’or ont été exploitées tout au long du dernier millénaire dans la région. Enfin, un programme regroupe les projets portant sur Le mobilier quotidien, en particulier le PCR Le vaisselier du Ve au XIIe siècle sur les sites de consommation en Franche-Comté sur la vaisselle (céramique, bois, verre, pierre ollaire) étudiée en fonction des critères de datation, de leur utilisation et de leur diffusion.
Projet SerialKey (2024-…) La sérialité comme clé pour comprendre les réseaux socio-économiques et géographiques des sociétés de la fin de l’âge du Bronze.
Membres du projet : Fabrice Monna, Stefan Wirth (Université de Bourgogne), Mareva Gabillot (CNRS), Josef Wilczek (Sorbonne Université), Nicolas Navarro (EPHE), Paolo Piccardo (Università di Genova), Guy De Mulder (Ghent University)
Financement : ANR Access ERC Starting Grant 2024 (ANR-24-AERC-0013).
Le projet SerialKey a pour but l’étude technologique et morphométrique des productions en série de l’âge du Bronze final européen afin de mieux comprendre l’organisation de leur production, de leur circulation et de leur consommation à de grandes échelles.
L’âge du Bronze est marqué par le développement des productions en série. Grâce à l’introduction de la métallurgie et le développement du moulage, il devient possible de créer des séries composées d’objets visuellement identiques. Cette pratique est particulièrement marquée à la fin de la période (Bronze final III, Xe-IXe siècles av. J.-C.) avec le développement à large échelle de moules en bronze dédiés à la production de séries d’objets métalliques, dont la production et l’utilisation restent mal comprises. Il existe ainsi des séries de centaines, voire de milliers d’objets très proches. Ces productions, par leur nombre, la présence de moules et leur vaste distribution, possèdent un potentiel important pour comprendre l’organisation de ce type de production ainsi que les modalités de leur diffusion. Néanmoins, ces séries sont peu étudiées faute de méthode adaptée capable d’identifier des variations fines correspondant à différents moules ou groupes de producteurs.
Ce projet de recherche repose ainsi sur la création d’une nouvelle méthodologie permettant d’étudier les productions en série. Les techniques de production seront étudiées à l’aide de méthodes d’imagerie par rayons X tandis que les analyses métallographiques renseigneront sur l’utilisation des moules. Finalement, les analyses par morphométrie géométrique permettront d’identifier des séries au sein d’objets visuellement très proches. Cette approche interdisciplinaire permettra de mieux connaître l’organisation socio-économique et les relations entre producteurs et consommateurs, mais aussi entre les régions productrices et consommatrices de ces objets.
Membres de l’équipe
Abert Franck
Affolter Jehanne
Aigle Geoffrey
Bardel David
Bataille Gérard
Brunet Michaël
Bugnon Anne-Lise
Cattin Florence
Chaillot Elisabeth
Charrier Kévin
Charnot Marie
Clouzot Martine
Creuzenet Fabienne
Delor-Ahü Anne
Denaire Anthony
Dubuis Bastien
Dumont Léonard
Esposito Arianna
Fort Bérangère
Foucher Marion
Fouyer Tony
Frénéat Adrien
Gabillot Maréva
Galetta Federica
Gaugé Erica
Georges Vincent
Guillaumet Jean-Paul
Gourault Claude
Herbrich Margaux
Imbeaux Marie
Jal Morgane
Joan Lydie
Jolivet Sophie
Kasprzyk Michel
Kaurin Jenny
Labaune Yannick
Laborier Emmanuel
Lacroix Marie-Christine
Liboutet Marion
Londiveau Gaël
Maerten Michel
Martineau Rémi
Mazille Pierre
Millet Emilie
Monna Fabrice
Mordant Claude
Mouton-Venault Sylvie
Nouvel Pierre
Pérard Sophie
Philippe Marie
Pieters Maxence
Rostollan Pauline
Schönfelder Martin
Soum Bernadette
Testard Pierre
Thabarant Bernie
Tisserand Angélique
Tisserand Nicolas
Vernou Christian
Widehen Marie-Agnès