Campagne de fouilles PCR Autun-Genetoye 2014
Responsables : Yannick Labaune (coordination scientifique), Filipe Ferreira (resp. fouille théâtre du haut du Verger), Matthias Glaus (resp. études architecturales), Martine Joly (resp. fouille temple dit de Janus), Matthieu Thivet (resp. fouille ateliers de potier)
Dates des chantiers de fouilles : du 7 juillet au 15 août 2014
Financements : Ministère de la Culture (Drac), Région Bourgogne (DRRT)
Avec la participation de : Inrap, Bibracte EPCC, Ville d’Autun, Direction des services techniques de l’Autunois
Extension et organisation du complexe antique : le secteur artisanal – 2014.3 (resp. M. Thivet)
La fouille réalisée cette année dans la parcelle des « Grands Champs » en périphérie du complexe monumental de la Genetoye à Autun a permis de confirmer l’hypothèse émise par la prospection géophysique de l’existence d’un quartier artisanal antique à l’extérieur de l’enceinte d’Augustodunum. Ce quartier qui semble s’implanter dès la première moitié du premier siècle de notre ère ne se développe réellement que dans le courant du deuxième siècle, pour être ensuite rapidement abandonné durant le milieu du troisième siècle.
Si l’artisanat de la céramique semble être dominant, la présence d’indices de métallurgie et de tabletterie laisse entrevoir un quartier aux activités diversifiées. Ce constat est d’autant plus important que seuls 600 m² ont été sondés cette année sur un quartier dont l’extension maximale pourrait approcher des 2,5 hectares.
Sur l’emprise étudiée, la production de céramique est clairement orientée vers les services à boire et notamment la production de gobelet. On notera également la découverte exceptionnelle de plusieurs dizaines de moules destinés à la production en série de statuette en terre cuite blanche et dont l’étude approfondie sera engagée en 2015.
La limite d’extension du quartier vers l’est et le complexe monumental de la Genetoye, est marquée dans les premiers états d’occupation du site par la présence d’une voie orienté nord/sud et dont le tracé sera pérennisé pendant toute l’antiquité. Cette voie dont le tracé, vers le nord pourrait permettre d’accéder au théâtre, semble monumentalisée dans le courant du deuxième siècle, par la présence de deux murs bordiers. S’il est possible d’imaginer que ces deux murs espacés d’environ quatre mètres forment une galerie permettant localement l’accès au complexe monumental depuis le quartier artisanal, la récupération intégrale de ces maçonneries ne nous permet pas de le certifier.
La masse de données accumulées cette année, tout particulièrement sur les ensembles mobiliers, continuera d’être étudiée en 2015, et fera l’objet d’un rapport sur l’état d’avancement de cette étude dans le prochain rapport d’activité du PCR.
Le temple dit de Janus et ses abords immédiats – 2014.4 (resp. Ph. Barral, M. Joly)
La campagne 2014 a permis de conforter et de préciser les observations réalisées l’an passé, dans le cadre de deux sondages d’ampleur limitée. Ces nouvelles données intéressent les états antiques comme les états médiévaux, à des degrés divers.
La confirmation de l’existence d’un substrat cultuel laténien, seulement soupçonné l’an passé, sur la base de quelques éléments de mobilier, constitue un point important. La présence d’une série conséquente de micro-vases est confortée par la découverte d’un fragment de fourreau d’épée laténienne. Les micro-vases, de formes variées, s’inscrivent typologiquement dans une fourchette large (IIIe-Ier siècles av. n. è.). Par comparaison avec les types illustrés à Mirebeau (Joly, Barral 2008), il ne fait aucun doute que certains exemplaires se rattachent à La Tène C2, voire à La Tène C1. Une fibule en fer de schéma La Tène C se situe dans la même ambiance chronologique, tandis que quelques potins illustrent des variantes tardives, attribuables à La Tène D2. Pour l’instant, aucune structure ne peut être rattachée à cette première utilisation cultuelle du site, ce qui est en grande partie lié à l’exiguïté des fenêtres d’observation de ces niveaux précoces.
La continuité de l’utilisation du sanctuaire, à la charnière de l’âge du Fer et de l’époque romaine, semble avérée puisque les premiers aménagements de sol, sous la forme de niveaux cailloutis damés, sont en relation avec un matériel numismatique homogène de faciès augustéen moyen-tardif, correspondant donc au premier quart du Ier siècle ap. J.-C.. Une phase d’aménagement du site, autour du changement d’ère ou un peu après, peut être formulée sur cette base, à titre d’hypothèse de travail.
Sans aucun doute, une partie des résultats les plus significatifs de la campagne concerne le premier état monumental maçonné (état antique 2), lui aussi déjà détecté l’an passé. Le fait que les éléments se répartissent largement dans l’espace laisse supposer qu’il s’agit d’un ensemble déjà imposant, quoique moins monumental que le suivant. En effet, pour partie, les aménagements liés à cet état rappellent ceux du dernier état antique, mais sous une forme moins imposante et semble-t-il plus réduite dans l’espace. Dans le détail, les procédés de mise en œuvre pour la réalisation des murs et des sols diffèrent également entre les deux états. Les aménagements de ce premier état monumental se distinguent notamment du suivant sous l’aspect de l’organisation et de la physionomie du dispositif d’entrée (l’utilisation mixte du bois et de la maçonnerie est également à souligner). Il est notable que l’orientation de l’entrée pérennise probablement un dispositif plus ancien remontant au début de l’époque julio-claudienne. On aurait ici un témoignage ponctuel de la résilience de l’organisation des lieux de culte antiques dans la durée, bien illustrée sur d’autres sites. Un point irritant concerne la datation de ce deuxième état antique, qui ne repose pour l’instant que sur des arguments indirects. Des éléments de mobilier céramique en relation avec cet état sont caractéristiques du deuxième tiers du Ier siècle de n.è. et il semble raisonnable de penser que la mise en place de ce premier état monumental a eu lieu vers le milieu du Ier siècle après J.-C.
L’un des objectifs principaux de la campagne 2014, qui consistait à reconnaître et étudier les différents éléments constitutifs du système d’accès au temple de l’état antique 3, le plus monumental, a été largement rempli. L’étude des maçonneries a notamment permis de distinguer les différentes étapes de construction du sanctuaire de ce dernier état antique. Par ailleurs, les séries de mobilier liées au décor architectural du temple se sont encore accrues. Leur étude permettra d’avancer progressivement dans la restitution de l’ordonnancement architectural et décoratif du sanctuaire.
Là encore, il nous manque les informations permettant de caler en chronologie absolue ces différentes étapes. L’état antique 3 débute durant la seconde moitié du Ier siècle de n.è., sans qu’il soit possible pour l’instant d’être plus précis. De nombreuses phases de travaux et de remaniements affectent le sanctuaire, mais ne peuvent être datées précisément. Le matériel présent dans des remblais liés aux reconstructions appartient à la période flavienne.
Dans la dernière phase de reconstruction observée, à l’est de la cella, au niveau de la jonction entre la galerie et le vestibule, des fragments de chapiteaux corinthiens datables de l’époque flavienne, réemployés dans la maçonnerie suggèrent que ces travaux commencent vers le début du IIème siècle. Quelques fragments de céramiques provenant en particulier de la couche de destruction nous orientent vers une datation similaire et attestent l’utilisation du temple durant la première moitié du IIème siècle, au moins.
Concernant la chronologie de la fin de l’entretien et de l’abandon du lieu de culte, aucun élément nouveau ne vient préciser les observations réalisées en 2013, à partir des données monétaires, témoignant d’une fréquentation du site jusqu’au troisième quart du IVème siècle au plus tard.
Enfin, la connaissance des étapes tardives d’occupation du site, à l’époque médiévale, a progressé, sans toutefois que des informations décisives concernant la datation de l’enceinte fossoyée médiévale aient pu être apportées. Indirectement, la découverte d’installations appartenant à un nouvel état, daté de la période XIIIe-XVe siècles par un mobilier assez abondant et homogène, fournit un TAQ pour la fin du premier état médiéval. La présence d’éléments de mobilier céramique des XIe-XIIe siècles, issus malheureusement de remblais sans lien strict avec les structures du premier état, donne une indication générale qui devra être confortée par les recherches futures.
Le théâtre du Haut du Verger – 2014.5 (resp. F. Ferreira)
Les fouilles dirigées cette année dans le cadre du PCR mis en place nous ont donné l’opportunité de mieux saisir le cadre chrono-stratigraphique du théâtre du Haut-du-Verger. Construit au cours du premier siècle de notre ère, et probablement terminé à la fin de celui-ci, cet édifice ne sera utilisé qu’une centaine d’années. Au cours de cette brève période de fréquentation, certains signes de faiblesse avaient déjà pu être décelés, ce qui donna lieu à quelques reprises de maçonneries. Il connait également une dernière phase de monumentalisation entre la fin du IIe s. ap. J.C. et le début du IIIe s. ap.J.C avec l’adjonction d’une vaste salle à exèdre dans l’angle sud du bâtiment, rien ne permet encore de déterminer s’il existait la même salle en pendant du côté nord du mur diamétral. Rapidement abandonné dans la première moitié du IIIe s. ap. J. C., l’édifice fut rapidement réutilisé en tant que lieu d’approvisionnement en matériaux et ses structures d’accès furent profondément modifiées. L’écroulement du théâtre, survenu probablement au milieu du IIIe s., a définitivement scellé l’histoire du monument. Peu de traces de récupérations postérieures sont visibles et, outre les structures abimées par l’effondrement même de l’édifice, les maçonneries restent dans un état de conservation remarquable.
- A l’issu de ces nouveaux résultats, quelques questions d’ordre chronologique et fonctionnel persistent :
concernant l’utilisation du lieu au cours de la période tibéro-claudienne, il serait nécessaire de préciser le plan du monument antérieur dont des fondations ont été observées. On peut également se demander si le reste du monument présente les mêmes séquences stratigraphiques : concernant les agrandissements successifs du monument, ou encore la monumentalisation de son angle sud notamment. Il serait ainsi possible de distinguer un véritable projet de construction uniforme sur l’ensemble du monument de (re)constructions ponctuelles. - l’identification d’un édifice antérieur pourrait être déterminant dans la compréhension du sanctuaire et des modalités de culte ayant lieu à la Genetoye : un premier théâtre a-t-il existé auparavant ? Constitue-t-il un monument indispensable au déroulement des cérémonies ? On peut se demander s’il s’agissait même d’un premier théâtre ou s’il n’existait pas un autre monument au Haut-du-Verger.
- enfin, les nombreuses pistes soulevées par l’observation des résultats de la prospection radar permettent de supposer que les structures de représentation l’édifice ont été réaménagée. La présence éventuelle d’une arène serait déterminante dans le rôle joué par les aditus, et pourrait expliquer la mise en place de salles en exèdre sur la façade diamétrale qui « régulariseraient » son aspect.