Les avant-nefs clunisiennes du Jura : monastères de Gigny et de Baume-les-Messieurs / campagne 2018
Coordination : Christian Sapin et Sébastien Bully (UMR ARTEHIS)
Titulaire de l’autorisation de sondage : Matthieu Le Brech (Baume-les-Messieurs) et Christian Sapin (Gigny)
En partenariat avec : l’APAHJ (Saint-Claude) et le CEM (Auxerre)
Participation de : Georgie Baudry, Mélinda Bizri (UMR ARTEHIS), Sébastien Bully (UMR ARTEHIS), Morana Čaušević-Bully (université de Franche-Comté-UMR Chrono-environnement), Thomas Chenal (UMR ARTEHIS), Anaïs Deliste, Gilles Fevre (CEM), Fabrice Henrion (CEM-UMR ARTEHIS), Adrien Sagesse (UMR ARTEHIS), Christian Sapin (CEM-UMR ARTEHIS)
Dates des opérations : Baume-les-Messieurs, du 29 juin au 6 juillet 2018 ; Gigny, du 13 au 20 septembre 2018
Financements : Ministère de la Culture-DRAC Franche-Comté, Conseil départemental du Jura, Communes de Gigny et de Baume-les-Messieurs
Objectifs et résultats :
En comparaison avec l’avant-nef de Cluny II, Christian Sapin a depuis longtemps attiré l’attention des chercheurs sur celle disparue de Gigny, localisée par des prospections géophysiques au début des années 2000. Et plus récemment, c’est à Baume-les-Messieurs qu’un massif occidental a également été révélé par la géophysique et confirmé par un premier sondage réalisé en 2011 dans le cadre du PCR « Monastères en Europe occidentale ». Mais dans un cas comme dans l’autre, la datation des deux dispositifs occidentaux, leur état de conservation, leur plan et leur parti architectural nous échappaient encore. À l’image des sondages que nous avions ouverts dans les chœurs de ces deux édifices en 2009, il s’agissait de reproduire des interventions limitées dans l’espace et le temps (deux semaines), mais qui devaient contribuer à la connaissance de ces deux sites importants du monachisme bénédictin et clunisien. Les sondages de Gigny et de Baume devaient permettre d’apprécier la présence de dispositifs occidentaux disparus depuis la fin du Moyen Âge, mais surtout, ils devaient permettre d’en suggérer les partis architecturaux, avec leurs corollaires de questionnements sur leurs origines et leurs fonctions liturgiques constitutives de l’architecture clunisienne ou redevables à d’autres « traditions ».
Baume-les-Messieurs
Le choix d’un large sondage (6 x2 m) au-devant du portail de la nef était motivé par les cartes géophysiques qui pouvaient laisser supposer la présence d’une abside occidentée, à l’imitation des westwerks carolingiens ou ottoniens. La fouille a infirmé cette hypothèse, tout en révélant d’autres structures susceptibles d’appartenir à une avant-nef. En premier lieu, le portail gothique succède à un portail antérieur, reconnu à travers un emmarchement et l’amorce des piédroits. Ce dernier, de par sa situation et ses dimensions, appartenait vraisemblablement à une façade interne – transformée en façade externe depuis le XVe s. – entre la nef romane actuelle et l’avant-nef disparue. En outre, l’emmarchement recouvre toute une séquence stratigraphique de niveau de sol de mortier et en terre battue à mettre en relation avec un dispositif occidental antérieur ou appartenant à un premier état de l’avant-nef. Ces sols recouvrent une sépulture en coffre maçonnée datée par C14 entre 900 et 1030 dont on ne sait si elle prend déjà place dans un édifice ou si elle en occupe le parvis extérieur. Au total, ce sont onze sépultures, pour l’essentiel en coffres de pierre, qui ont été fouillées sur la surface du sondage. La plus récente, en pleine terre, est datée par C14 entre 1320 et 1440 ; cette datation conforte l’hypothèse, suggérée par des sources d’archives, d’une démolition de l’avant-nef sous l’abbatiat d’Henri de Salins entre 1431 et 1450.
Tout en écartant certaines hypothèses, les résultats du sondage plaident fortement en faveur de la présence d’une avant-nef contemporaine du dernier état de la nef romane (du XIIe s.) ; son plan comme son parti architectural nous échappe, mais il est en revanche assurée que la façade occidentale – jusqu’alors localisée par la géophysique à l’emplacement de ce qui s’est révélé être une ancienne canalisation – doit être repoussée vers l’ouest, formant ainsi une vaste avant-nef à l’image des galilées clunisiennes. Enfin, on retiendra que la stratigraphie et un plan d’inhumation précoce suggèrent l’hypothèse d’un dispositif antérieur, datable des Xe-XIe s.
Gigny
En se fondant sur les résultats des deux petits sondages ouverts sur le parvis – dans le prolongement du mur gouttereau sud de la nef et à l’emplacement supposé de la façade de l’avant-nef – croisés avec les cartes géo-radar, il est possible de proposer le plan d’une avant-nef de trois travées de 11,30 m de longueur par 16,50 m de largeur. L’avant-nef serait subdivisée par quatre piliers au centre avec ressaut, et pilastres dans les murs gouttereaux des bas-côtés. Cette structure, et sa maçonnerie proche de la mise en œuvre de l’église elle-même, autour de Mil (sur la base de datations C14), attestent des liens maintenus avec l’abbaye de Cluny, et permettent de compléter la réflexion sur la construction et l’usage du modèle d’avant-nef à usage liturgique initié par Cluny.