Droit des images
Alors qu’il est essentiel, le droit d’auteur est souvent méconnu. De nombreux problèmes en découlent, notamment au niveau de l’exploitation dans le cadre de publications ou d’expositions. Voici les points les plus importants à retenir pour pouvoir utiliser sereinement photographies, peintures et autres œuvres littéraires et artistiques.
Tout d’abord, il faut s’intéresser aux éléments qui sont soumis au droit d’auteur. Celui-ci protège les œuvres fruits de l’esprit humain, c’est-à-dire les créations nouvelles appartenant à l’univers des formes, et non les idées ou les concepts, par essence immatériels. De plus, distinction a été faite entre l’œuvre, qui est protégée, et son support. Ainsi, tous les types d’expression (musique, texte, photographie, dessin, bâtiment d’architecte, œuvre design, œuvre oral) sont protégés de façon immatérielle, peu importe leurs qualités artistiques, leur finalité ou leur genre.
Note : les photographies d’œuvres d’art en vue de reproduction sont protégeables par le droit d’auteur, mais doivent être analysées au cas par cas. Pour les œuvres en deux dimensions, si la reproduction est fidèle, le droit d’auteur ne s’applique pas. Pour les œuvres en trois dimensions, comme un certain choix est demandé au photographe, un droit d’auteur est associé au cliché. Pour un photomontage, le droit d’auteur est possible selon la créativité employée par le photographe.
D’un point de vue légal, le droit d’auteur ne nécessite pas de dépôt, contrairement aux créations industrielles, aux dessins et modèles, aux marques, etc. Aussi le symbole Copyright n’a-t-il aucune valeur juridique en France. Le bénéficiaire de la protection est donc le créateur de l’œuvre, une personne morale ne pouvant être le titulaire originel du droit (sauf dans le cas particulier d’une œuvre collective où le droit d’auteur appartient à celui qui commande l’œuvre, qui la dirige et qui la publie en son nom). Dans le cadre d’une collaboration, toutes les personnes sont copropriétaires de l’œuvre. Dans ce cas, il faut l’autorisation de tous les co-auteurs pour la reproduire, sauf si c’est une partie clairement créée par l’un des co-auteurs.
Il existe certains régimes particuliers qui ne seront pas détaillés ici. Seul le cas de l’auteur fonctionnaire nous semble pertinent. Ses droits d’auteur, dans le cadre de ses fonctions ou sur demande, sont cédés à l’administration. Cependant, pour une exploitation commerciale, les droits d’auteur restent sur la tête de l’agent, l’administration gardant un droit de préférence. Ce régime ne s’applique pas aux agents publics non soumis à une autorité hiérarchique (professeurs d’université et chercheurs).
Note : le contrat de travail ou de commande ne donne pas de droits d’auteur au demandeur (sauf pour l’œuvre collective). Les droits restent associés au créateur de l’œuvre.
Le droit d’auteur se compose de deux droits différents et complémentaires : le droit patrimonial (économique) et le droit moral (défense de la personnalité de l’auteur dans sa création).
Le droit patrimonial implique le droit de reproduction de l’œuvre, c’est-à-dire le droit de la fixer sur un support matériel, quel qu’il soit. L’auteur peut ainsi être rémunéré pour l’exploitation de sa création. Y sont également associés le droit de réadaptation (reproduction partielle au sein d’une autre œuvre), de représentation (présentation de l’œuvre sous n’importe quelle forme, pour n’importe quel média) et de suite (pourcentage du prix de vente de l’œuvre graphique ou plastique lorsqu’elle est vendue par un professionnel du marché de l’art).
Le droit moral est attaché à la personne, inaliénable, imprescriptible, perpétuel. L’auteur peut décider du principe et des modalités de la première communication au public de son œuvre (droit de divulgation), exiger que son nom, ainsi que ces qualités dans certaines conditions, soit associé à son œuvre (droit à la paternité), s’opposer à des modifications de son œuvre ou à des atteintes à son esprit (droit au respect de l’œuvre), et retirer son œuvre du public contre indemnisation du propriétaire physique (droit de repentir ou de retrait, qui ne se transmet pas aux ayant-droits).
Il existe toutefois plusieurs exceptions :
- toute personne peut copier une œuvre pour son usage privé,
- la représentation privée et gratuite au sein de la famille, au sens large, est autorisée,
- les citations sont autorisées si elles sont brèves, et si les noms de l’auteur et de la source sont clairement indiqués,
- les auteurs d’œuvres graphiques, plastiques et architecturales ne peuvent s’opposer à la reproduction ou à la représentation partielle ou entière de leur(s) œuvre(s) dans le cadre d’une utilisation par la presse à fin d’information sur un événement lié à l’auteur,
- la reproduction et/ou la représentation d’une œuvre à fin de conservation ou de préservation de ses conditions de consultation sur place (pour un musée, des archives ou les centres de documentation) est autorisée,
- une œuvre peut être utilisée dans le cadre d’un travail pédagogique par les enseignants sans demande de droits, si l’exploitation n’est pas commerciale,
- quand l’œuvre est accessoire par rapport au sujet principal de l’image, la demande d’utilisation au titre du droit d’auteur n’est pas obligatoire.
Note : une œuvre composite ou dérivée (qui incorpore une œuvre) appartient à son créateur sous la réserve des droits de l’œuvre première. Le second créateur doit avoir l’accord du premier dès la création de l’œuvre.
La durée du droit patrimonial est souvent sous-estimée. En effet, l’œuvre ne tombe dans le domaine public que 70 ans après la mort de son auteur ou, s’il y a plusieurs co-auteurs, 70 ans après la mort du dernier co-auteur. Pour les œuvres collectives, pseudonymes ou anonymes, la durée est de 70 ans après la première publication ou, si la publication est intervenue plus de 70 ans après la création de l’œuvre, de 25 ans après cette publication, le droit d’auteur revenant au propriétaire matériel de l’œuvre. Dans le cas des œuvres posthumes, c’est-à-dire non divulguées du vivant de l’auteur, la situation varie : si la publication a lieu dans les 70 ans après le décès de l’auteur, la protection court jusqu’à la fin des 70 années ; si elle a lieu après les 70 ans, la durée passe à 25 ans après la publication et le droit d’auteur revient au propriétaire matériel de l’œuvre. Il est à noter que les ayant-droits ont un droit moral qui subordonne le droit patrimonial, aussi faut-il leur autorisation pour permettre la publication.
Note : la durée de protection d’une œuvre peut être accrue par les prorogations de guerre, liées aux deux guerres mondiales.
Si l’on souhaite utiliser une œuvre, il est préférable de déterminer à l’avance les droits à l’exploitation (droits de reproduction, de représentation, d’adaptation) qui seront pris en compte, et identifier les bons titulaires de droit. Un contrat de cession de droits doit ensuite être signé. Il définira l’exclusivité ou non de la cession, le territoire sélectionné, la durée ainsi que les droits concernés et les modes d’exploitation (et leur finalité si besoin). Ce formalisme est obligatoire car tout ce qui n’est pas expressément cédé par ce contrat reste au titulaire des droits. De plus, chaque droit concédé doit être précisé, même si tous les droits sont cédés, sous peine de voir le contrat invalidé.
Si l’autorisation a souvent une contrepartie financière (proportionnelle aux recettes générées ou forfaitaire dans les cas trop complexes), elle n’empêche pas la gracieuseté.
Dans le cas d’une donation (sauf don manuel pour de petites quantités), il est nécessaire de passer devant un notaire. Ce n’est pas toutefois pas le cas pour un contrat de dépôt.
Note : l’email a, aujourd’hui, une vraie valeur juridique. Il est donc possible de céder les droits d’une œuvre par ce moyen.
Aux droits d’auteur s’ajoute le droit à l’image, qui permet l’utilisation de l’image d’une personne, et qui cesse obligatoirement à la mort de cette dernière. Ce droit peut faire l’objet d’une contractualisation, monnayée ou non, qui délimite le champ de son utilisation (territoire, durée, mode d’exploitation). L’information d’actualité, sauf si l’image porte atteinte à la dignité de la personne, n’est pas concernée.
Anthony Dumontet,
d’après Maître Vincent Varet
Même si la jurisprudence a une part très importante dans la résolution des conflits judiciaires liés au droit d’auteur, certains articles de loi du Code de la propriété intellectuelle peuvent être consultés en priorité pour obtenir des informations utiles (http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=20140219-
Les voici :
- L.111-1 et 2 (nature du droit d’auteur)
- L.112-1 (œuvres protégées)
- L.113-1 et 2 (titulaires du droit d’auteur)
- L.121-1, 2, 3, 4 (droits moraux)
- L.122-1, 2, 3, 5, 7 et 8 (droits patrimoniaux)
- L.131-1, 2, 3, 4, 5, 6, 8 (exploitation des droits – dispositions générales)
- L.132-6, 23 et suivants (dispositions particulières à certains contrats)
- L.321-1 et suivants (sociétés de perception et de répartition des droits)