Nom du site : le moulin sur bateaux de Sermesse (71)
Date de fouilles : septembre 2012 et juin 2013
Responsable : Annie Dumont
Participation de : Philippe Moyat (ATSMC et UMR6298) : responsable hyperbare, relevé et prises de clichés sous l’eau.Claire Touzel (UMR 6298)Jonathan Letuppe (Evéha) : dessins des bateaux.Carole Vélien (contractuelle) : étude du mobilier céramique.Céline Bonnot-Dicone (C2RC) : étude des cuirs.
Financements : Ministère de la Culture (SRA Bourgogne et DRASSM), Région Bourgogne (PARI 2012 et 2013)
Le site
A l’issue des campagnes de prospection subaquatique de 2010 et 2011, un ensemble de structures ayant servi à faire fonctionner un moulin flottant a été identifié à Sermesse, contre la rive gauche, à une profondeur de 3 à 4 mètres. En 2012 et 2013, deux sondages très limités ont été effectués afin de connaître le potentiel de ce site et son état de conservation.
Le gisement comprend deux lignes de pieux, appelées benne, destinées à diriger l’eau sur la roue du moulin, et deux coques de bateau : l’une de petites dimensions, le forain, et une grande embarcation ayant supporté le mécanisme, la corte. Il s’agit d’un type de moulin très répandu en Europe pendant toute la période médiévale et moderne, mais sur lequel on ne possède pas de données archéologiques. Des maquettes ont été réalisées à partir des derniers exemplaires qui ont existé jusqu’au début du XXe s. (comme la maquette du Musée de Pierre de Bresse par exemple), et quelques-uns ont été préservés en Europe Centrale ou de l’Est. A Sermesse, on a la chance de disposer d’une structure datant de l’époque moderne pré-industrielle.
La coque du forain est en partie dégagée du sédiment, alors que celle de la corte se trouve encore enfouie sous le talus de la berge. En surface des sédiments, des bois travaillés et des outils sont visibles, montrant à la fois la bonne conservation de l’ensemble mais également, ce qui est plus préoccupant, son démantèlement en cours par l’érosion fluviatile.
Les analyses radiocarbone effectuées sur les pieux (1435-1631 ; 1450-1640 ; 1480-1650) et sur l’épave du forain (1460-1640) plaçaient cet ensemble cohérent dans la fourchette XVe-XVIIe siècle. L’analyse des objets présents aux abords immédiats du moulin, en surface des sédiments ou à l’intérieur des deux coques (sondages) tend à préciser cette datation entre la fin du XVIe siècle et le tout début du XVIIe siècle. C’est à cette période que se situe une bonne partie du vaisselier (étude de C. Vélien) et le talon de chaussure en cuir est issu d’une forme caractéristique du XVIe siècle (étude de C. Bonnot-Diconne).
Perspectives 2014
Le relevé et les observations effectués sur la grosse pièce de bois située en amont des deux épaves montrent un potentiel de datation dendrochronologique, le tronc de chêne utilisé n’étant équarri que sur une face a conservé son aubier sur la partie qui n’est pas exposée au courant. Le dégagement d’une petite surface montre que d’autres bois sont assemblés à cet élément et qu’une fouille de l’ensemble sera nécessaire pour en garantir la compréhension (passerelle et système de liaison entre les deux bateaux ? Dispositif lié à la capture du poisson placé à l’extrémité de la digue ?).
Au cours des sondages, de la vaisselle en étain, des outils ainsi que des objets de la vie quotidienne d’un meunier et probablement de sa famille ayant vécu il y a 400 ans ont été remontés à la surface et sont actuellement en cours de traitement. Ces objets, ainsi que ceux qui ne manqueront pas d’être découverts au cours des futures fouilles, sont en très bon état de conservation et comportent parfois des matières organiques (bois, cuir) que l’eau douce a très bien préservées.
La datation de ce moulin-flottant dans l’époque moderne pré-industrielle et la possibilité de trouver des éléments de mécanismes en font un sujet d’étude de premier ordre pour la connaissance des techniques de meunerie, de batellerie et de pêche, les trois activités étant regroupées sur une seule structure. Son naufrage accidentel, sans doute un grand malheur à l’époque où il s’est produit, représente, comme tout naufrage, une chance pour la communauté des historiens et des archéologues.