L’évaluation archéologique de Courjeonnet « Les Grands Prés » (Marne) / 2022
La fouille de Courjeonnet « Les Grands Prés » a été réalisée durant l’été 2022, dans le cadre du Programme Collectif de Recherche (PCR) Les complexes miniers néolithiques de la région des Marais de Saint-Gond (Marne), dirigé par Rémi Martineau (CNRS, UMR 6298 ARTEHIS). Son objectif consistait en l’évaluation du potentiel archéologique de cette région du sud-ouest marnais, déjà connue pour la richesse de son patrimoine, notamment néolithique (hypogées, minières de silex, etc.), à travers la réalisation de 49 tranchées (fig. 1 et 2). Le secteur n’a pas été choisi au hasard. Des découvertes anciennes d’Emile Schmit laissaient à penser qu’une occupation néolithique se trouvait à proximité de la zone humide, en bordure nord des marais. Le mobilier découvert à l’époque a fait l’objet d’une étude complète dans le cadre de ce PCR, qui a confirmé les datations supposées.
Réalisé sur une surface totale de 4,6 ha, le décapage a livré un faible nombre de structures archéologiques. Malgré les investigations effectuées, aucune n’a pu être rattachée au Néolithique. L’occupation de ce secteur commence réellement à la protohistoire, avec la présence d’un silo, de fosses, de fossés et, possiblement, de trous de poteaux. Ce secteur semble alors être principalement voué à l’agriculture. Des traces d’une activité de taille du silex ont été repérées et confirment que cette pratique a perduré jusqu’à tardivement dans cette région riche en silex. Les données recueillies laissent à penser que l’habitat en lui-même se trouve à proximité de la zone investiguée, probablement au nord, dans un secteur moins sujet aux variations du niveau du marais et à la surface plus régulière. L’occupation gallo-romaine, quant à elle, se limite à un fossé, dont la datation n’est confirmée que par un tesson de céramique. Les périodes médiévale et moderne sont marquées par la présence de quelques fosses d’exploitation de la terrasse et de rejet. Les déchets métallurgiques découverts indiquent qu’un travail du fer a été réalisé à proximité, certainement dans le village de Courjeonnet. La première mention de ce dernier remonte d’ailleurs à 1494. Enfin, la période contemporaine a livré quelques structures indiquant la présence d’une activité d’élevage de bovins dans le secteur avant que les terres ne soient remises en culture.
Dans le cadre des analyses paléoenvironnementales mises en place pour comprendre l’évolution du milieu sur le temps long, un bras de marais, encore visible au XIXe siècle, a été recoupé. Il a livré des traces d’écobuage, activité inédite dans la région. Remarquablement bien conservées, ces traces, visibles à travers un niveau de cendre et une couche de terre rubéfiée, révèlent une volonté de la part des populations locales de mettre en culture ce secteur pendant quelques années. Il est possible que cette action soit contemporaine des aménagements protohistoriques, eux-aussi liés à une activité agricole. Qui plus est, le décapage de ce secteur a livré la présence de nombreuses dépressions, terme désignant ici une incision naturelle dans la terrasse weichsélienne pouvant faire plusieurs centaines de mètres carrés et atteindre 1,5 m de profondeur. Outre le fait qu’elles occupent une part notable de la surface sondée, ces dépressions ont livré des niveaux organiques et des colluvions qui ont piégé du mobilier archéologique daté du Néolithique à l’époque moderne. Dans la partie inférieure de deux dépressions, deux paléochenaux ont également été découverts. L’un d’entre eux a d’ailleurs fait l’objet d’une fouille partielle qui a livré du mobilier, notamment protohistorique.
Ainsi, l’évaluation archéologique de Courjeonnet « Les Grands Prés » offre un nouvel éclairage sur le paléoenvironnement, les activités et l’habitat en bordure nord des Marais de Saint-Gond. En démontrant l’absence d’occupation au Néolithique et l’aspect irrégulier du terrain, elle permet d’exclure ce secteur des zones habitables pour cette période tout en révélant que des traces d’activités sont visibles dès la protohistoire, et sans doute à partir de la fin du Hallstatt. Les informations recueillies viennent compléter les données de l’évaluation de Villevenard « La Croix Folle », seconde opération du PCR en 2022, réalisée dans un contexte comparable, un kilomètre plus à l’ouest.
Anthony Dumontet, Florent Delencre, Rémi Martineau