Responsable scientifique : Daniele Vitali
Partenaraires : Nicola Bianca Fàbry (Chercheur Independent) ; Thierry Lejars (AOROC, UMR 8546) ; Wolfgang Teegen (Université de Munich) ; Patrice Méniel (ArTeHiS) ; Jean-Paul Guillaumet (ArTeHiS) ; Anna Marinetti & Patrizia Solinas (Université Ca’ Foscari, Venise) ; Federico Biondani (Padoue) ; Marta Rapi (Université de Milan) ; Sandra Jaëggi (Université de Fribourg, CH) ; P. Onisto (Université de Ferrare) ; Associazione A. Balladoro, Povegliano Veronese ; Comune di Povegliano Veronese ; Province de Vérone ; Région du Veneto ; Fondazione Cariverona ; OTKA , Hong
Entre 2007 et 2009, une étude systématique consacré aux Celtes du territoire de Vérone (les Cénomanes) a été lancée par l’Université de Bologne, la Surintendance Archéologique du Veneto, l’ELTE de Budapest, et l’Associazione Balladoro de Povegliano Veronese, à partir de la fouille programmée d’une importante nécropole localisée à quelques centaines de mètres du chef-lieu, au lieu-dit “Madonna dell’Uva Secca- Ortaia » qui avait donné d’importants résultats au début des années ’90.
En 1992-1993 plusieurs nécropoles appartenant à des époques différentes avaient été découvertes dans les mêmes terrains au cours d’une fouille de sauvetage : au total 432 tombes (282 incinérations, 145 inhumations) entre lombards, romains et celtes.
Une des tombes celtiques les plus riches à double incinération emblématique de la situation et bien connue par la littérature, était la n. 225 : la seule dont le mobilier restauré et partiellement publié montrait un assemblage remarquable et complexe : vaisselle céramique, métallique (situles du type Eggers 20 et 22, poelons du type Povegliano et Aylesford, louches du type Pescate), armement (épées et fourreaux laténiens, lances, boucliers) et parures, ainsi que plusieurs deniers romains en argent frappés du 135, 126, 124 av. n. è. et sans marques d’usure : 123 av. J.-C. le terminus post quem de référence pour cette sépulture.
Les fouilles programmées 2007-2009, dont les protagonistes sont les universités de Bologne et de Budapest, leurs étudiants ainsi que d’étudiants d’autres universités européennes, ont acquis un dossier de 174 nouvelles tombes, presque exclusivement de type laténien et gallo-romain : 50 incinérations et 112 inhumations.
Dans cette nécropole bi-rituelle, les incinérations sont presque toujours associées à des armes en fer et marquent le statut du guerrier ; les inhumations ne sont jamais associées aux armes ; 70% du total des inhumés correspond à des tombes d’enfants dont le 60% décédés à une âge inférieur à 1 an.
Onze tombes sont remarquables par leur taille et par leur structure (T. 6, 24, 36, 37, 38, 56, 96, 191, 136, 173, 190) : une grande fosse, d’environ 8 mètres carrés, contient un coffrage en bois, avec le/les défunt/s et le mobilier ; elle est délimitée à la surface du sol antique par un fossé annulaire, qui devait renfermer un tumulus, disparu au cours du temps.
La présence de cet élément visible pendant plusieurs temps a favorisé le saccage d’environ 50% des tombes, à une époque difficile à préciser (romaine, lombarde ?).
Ces tombes remarquables sont concentrées en deux-trois groupes et rejoignent d’autres tombes similaires découvertes en 1992-1993.
Le mobilier métallique est presque toujours dé-fonctionnalisé : les armes, les fibules, la vaisselle métallique, les outils. Les armes appartiennent aux types laténiens du LT C2 et LT D1 : lames d’épées et les fourreaux respectifs, les boucliers avec les umbos à ailettes rectangulaires ou à demi-lune (type Mokronog). C’est Th. Léjars (AOROC Paris) qui est chargé de leur étude.
Les armes indiquent l’existence d’une composante guerrière celtique (au moins une vingtaine de guerriers), très significative en Cisalpine, à une époque à laquelle cette dernière apparaît « romanisée » depuis quelques générations.
Sont bien connus le rôle et l’importance de la composante guerrière des Cénomans qui ne renoncèrent jamais à la prérogative du port des armes, malgré la pax romaine en cours.
En 187 av . J.-C. les aristocrates cénomans protestèrent auprès du Senat de Rome parce que le préteur M. Furius Crassipedes leur avait séquestré les armes : Rome ne pouvait pas se permettre une rupture avec ses alliés Cénomans et donc le préteur fut démenti et les armes restituées : Celtes oui mais aussi hommes libres et indépendants, avec leur identité.
Ces armes donc restèrent pendant plusieurs décennies le marqueur de l’élite cénomane jusqu’à la fin du IIe- premiers décennies du Ier. s. av. J .-C.
Le croisement des données typo chronologiques de différentes classes de matériaux associées dans les mobiliers (fibules laténiennes, en fer, bronze, argent ; monnaies romaines en bronze et en argent, monnaies gauloises (« drachmes massaliotes »), et des formes céramiques nous ont permis d’établir une grille chronologique, fondamentale pour la Cisalpine orientale.
Plusieurs objet de luxe ou de prestige en argent permettent aussi d’esquisser quelques lignes d’histoire de l’art laténienne à cette époque « tardive » (Fàbry, 36é Colloque AFEAF, Vérone).
- La parure est en cours d’étude par N. B. Fàbry.
- Le dossier numismatique est en cours d’étude par F. Biondani (Padoue).
- L’outillage en fer qui prend la place, progressivement, prend la place des armes, est en cours d’étude par J.-P. Guillaumet.
- La vaisselle métallique est en cours d’étude par M. Rapi, de l’Université de Milan.
- L’étude de la vaisselle céramique est terminée (M. Della Casa). Parmi les formes céramiques se démarquent des formes particulières comme le vase en toupie (« vaso a trottola ») normalement destiné à contenir le vin, boisson qui faisait partie des offrandes funéraires.
- Les offrandes alimentaires carnées sont abondantes et variées, étudiées par Patrice Méniel (Méniel, 36é Colloque AFEAF, Vérone)
- Les restes anthropologiques sont en cours d’étude : les inhumations par R. W. Teegen (Université de Munich) ; les incinérations par P. Onisto (Université de Ferrare) qui a repris les travaux précédent s d’autres spécialistes.
- M. S. Jaëggi de l’Université de Fribourg (CH) s’est chargée de l’étude d’une forme spécifique aux enfants : le vase-biberon, et de l’analyse de son contenu par le moyen d’analyses moléculaires.
Plusieurs graffiti et inscriptions sur les corps des céramiques ont été étudiées par P. Solinas et A. Marinetti, de l’Université de Venise : plusieurs noms individuels et les formes de la langue nous indiquent clairement que nous sommes en présence de celtophones ainsi que d’onomastique celtique, ce qui constitue un élément d’éxceptionnalité même dans la Cisalpine ; identité celtique dans un contexte romanisé.
Parmi les quelques particularités des objets déposés dans les mobiliers, nous signalons une petite balance en bronze pour orfèvre / atélier monétaire ; des outils témoignant le travail ou les activités agricoles exploitées dans les campagnes environnantes (forces, faucilles, herminettes, haches) ; des strigiles denonçant l’importance culturelle du gymnase ; un set de pions en os et des astragales de cochon denonçant une fonction spéciale du titulaire de la tombe.
Cette nécropole est dès maintenant la plus importante de l’Italie du nord, pour les périodes de LT C2-D1-D2 et elle devient –avec les autres du territoire véronais dont le collègue Luciano Salzani de la Surintendance Archéologique du Veneto a été l’éditeur, une des références majeurs de l’archéologie du La Tène final.
Elle est aussi un point de raccordement important pour le monde transalpin septentrional et oriental de l’époque et de la civilisation des oppida ; armement, parures vestimentaires, vaisselle métallique, constituent des éléments communs à cette époque, qui ont une circulation capillaire dans une Europe qui vit et traverse une sorte de première globalisation.
La présence importante de tombes d’enfants, à peu-près 2/3 du total est un élément assez unique.
L’étude de ce type particulier de sépulture, assez rare à trouver dans une nécropole antique et aussi difficile à identifier dans le terrain à cause de la petite taille de la fosse et de la fragilité des squelettes, a été confiée à Wolfgang Teegen.
Le but de cette recherche (qui a suscité le 36è colloque de l’AFEAF à Verone en 2013) est bien sûr celui de l’étude critique et de l’édition scientifique, mais aussi celui de l’inauguration d’un nouveau musée archéologique, à Povegliano Veronese même, dans la Villa Balladoro.