Programme de recherche : Loire amont et moyenne : évolution du système ligérien et des occupations humaines au cours des deux derniers millénaires / campagne 2013
Quatre fenêtres : de Digoin à Nevers – La Charité/La Chapelle Montlinard – de Saint-Satur à Cosne/Boulleret – Briare/Brisson-sur-Loire.
Responsable : Annie Dumont (Ministère Culture-DRASSM et UMR6298)
Intervenants : Philippe Moyat (ETSMC, UMR 6298) : responsable hyperbare, prospections subaquatiques, photographies, relevés de terrain, sondages, traitement de données en DAO ; Jean-Pierre Garcia (UB, UMR 6298) : encadrement des études de géomorphologie ; Ronan Steinmann (doctorant UB, UMR 6298) : responsable des études de géomorphologie ; Amélie Quiquerez (UB, UMR 6298) : analyse des images LIDAR, géomorphologie ; Florent Delencre (doctorant U B, UMR 6298) : encadrement du stage des Master 2, SIG, prospection terrain ; les étudiants de master 2 AGES –Dijon (Archéo-Géo-Sciences, travaux pratiques) ; Morgane Cayre, contractuelle : prospection dans les chenaux, transcription d’archives, sondages ; Marion Foucher (doctorante UB, UMR6298) : étude des arches du pont médiéval de La Charité ; Alain Magdelaine, bénévole : prospection et photos aériennes ; Elise Doyen (UMR6249) : analyse palynologique ; Luc Jaccottey (Inrap et UMR6249) : étude des meules de Bannay.
Financements : Union européenne (FEDER), Université de Bourgogne, Ministère de la Culture (SRA Auvergne, Centre et Bourgogne ; DRASSM), Région Centre, Mairie de Châtillon-sur-Loire.
Dates de réalisation : juin 2013 – décembre 2014.
En 2013, dans les chenaux actifs de la Loire, où il n’a pas été possible d’intervenir en raison du trop niveau de la Loire, les nouveautés concernent la datation des sites découverts en 2012.
Deux structures de fonction indéterminée (digue, pêcherie ?) se rattachent à la période gallo-romaine, à Bannay et à Châtillon-sur-Loire, ce qui représente un apport important pour la compréhension de l’évolution du cours de la Loire sur la longue durée et la taphonomie des vestiges dans ce milieu complexe. Rappelons que dans le secteur de La Charité, localisé en amont de Bannay et Châtillon, seuls des vestiges du XIIIe siècle sont présents et que le chenal ne coulait probablement pas au même emplacement à l’époque romaine. Ainsi, grâce à ces découvertes de vestiges, certes très érodés mais datables, on est en mesure de construire, petit à petit, des schémas d’évolution du chenal secteur par secteur. Jusqu’à présent, les seuls vestiges gallo-romains découverts en Loire amont et moyenne étaient des ponts (Chassenard, Saint-Satur, Cosne, situé juste en aval de Bannay) fondés sur des pieux de grande section. Les découvertes de bannay et de Châtillon montrent que des piquets de plus petits diamètre ont également pu résister à deux millénaires d’érosion fluviatile.
Les meules découvertes à Bannay sont probablement du début du Moyen Âge (étude typochronologique préliminaire de Luc jaccottey) et constituent un des rares exemples de cargaisons perdues au cours de l’acheminement vers les moulins auxquels elles étaient destinées. Elles apportent un instantané inédit sur l’exploitation et le transport des matériaux dans le Val de Loire, ainsi que sur le caractère aléatoire et dangereux de la voie fluviale.
Cet aspect est également illustré par l’épave découverte à Saint-Satur, bloquée contre les restes d’une des piles du pont romain. Celle-ci date des XIVe-XVe siècles et représente un des rares témoins de la navigation de la fin du Moyen Âge. La présence dans la coque d’une partie de la cargaison (blocs de pierre taillée en calcaire blanc) livrera sans aucun doute de nouvelles données sur l’exploitation et le transport des matériaux.
Les travaux géoarchéologiques réalisés en 2012/2013 ont concerné trois secteurs : la synthèse des observations réalisées à La Charité-sur-Loire, l’étude sur le temps long du système Loire en amont de ce site et du bec d’Allier avec l’analyse d’une carotte prélevée à l’Hôpital-le-Mercier, et une première prospection dans un secteur où les variations latérales du fleuve n’avaient pas encore fait l’objet d’études (Fleury-sur-Loire).
A l’Hôpital-le-Mercier, les résultats de l’analyse palynologique ont été corrélés aux observations sédimentologiques déjà datées et à la mesure de la susceptibilité magnétique. Il en ressort que la dynamique de la Loire amont semble étroitement contrôlée par les fluctuations climatiques, même peu intenses, de l’Holocène, ce qui est particulièrement important pour comprendre la dynamique en aval du bec d’Allier.
Le site de La Charité-sur-Loire ne livre pas de séquence aussi ancienne. Le fleuve a ici effacé ses dépôts, et les sédiments conservés les plus anciens datent du haut Moyen Âge. Les carottages démontrent la présence, à cette époque, d’un marais assez étendu dans la zone aujourd’hui occupée par le lit actif. Celui-ci, pour les périodes antérieures au XIIIe siècle. (pour lequel on dispose d’un pont daté dans le petit chenal) sera probablement à rechercher dans la plaine d’inondation sur la rive gauche (commune de La Chapelle Montlinard). Après le XIIIe siècle, le fleuve change profondément et l’on soupçonne le Petit Âge Glaciaire d’avoir causé cette évolution. En résulte le fleuve Loire moderne, système dynamique développant des îles importantes et des barres de chenal migrant très rapidement.
A Fleury-sur-Loire, les premières observations de terrain consécutives à des observations faites en prospection aérienne montrent une évolution conjointe des chenaux de la Loire et des installations médiévales probablement liées à un point de passage et/ou de péage. Cette étude réalisée dans le cadre d’un stage de terrain pour les étudiants en Master 2 de l’Université de Bourgogne a mis en évidence un secteur particulièrement riche en vestiges médiévaux (trois mottes et un château du XIIIe siècle) sur lequel il serait intéressant de revenir pour en préciser l’évolution.
Les documents d’archives (textes et plans) sont très nombreux et leur recherche demande beaucoup de temps. Leur dispersion dans différents centres de conservation et dans des lieux où elles n’ont jamais fait l’objet d’un inventaire n’en facilite pas l’étude. Cependant, au fil des découvertes, on voit bien l’intérêt d’en faire une recherche systématique et de croiser les informations qu’ils contiennent avec les nouvelles données collectées au cours de ces dernières années sur le terrain. Cette année, trois types de documents ont été traités :
– Poursuite de la transcription des textes d’archives conservés aux Archives municipales de La Charité (Morgane Cayre).
– Photographie de la Carte de la Loire, plan géométrique en couleur et à l’échelle 1 : 2000e, réalisée de 1851 à 1852 par M. Zeiller, puis, en 1853 par M. Joly, tous deux ingénieurs en chef des Ponts et Chaussées. Elle est très précise et la nature des cultures associée à l’utilisation de différentes couleurs fait très bien ressortir d’anciens chenaux de la Loire. Elle a été levée après la construction du canal latéral et elle est centrée sur le cours de la Loire (lit mineur et lit majeur).
– Un carton conservé aux Archives Nationales (site de Pierrefitte) contient : deux plans de l’état des travaux du grand pont de La Charité datés respectivement du 9 et du 13 septembre 1732, levés par Delaguêpiere, Fayolle, Boffrand ; un plan non daté d’un pont en pierre franchissant le petit chenal, entre l’île du Faubourg et la rive gauche ; le plan général des trois ponts de la ville de Nevers, daté de1763. L’analyse de ces plans apportera des données complémentaires aux études archéologiques sur l’évolution des ponts de La Charité-sur-Loire.