Prospections et sondages dans les chenaux de la Loire en Bourgogne et Région Centre / campagne 2015
Responsable : Annie Dumont (Ministère de la Culture-DRASSM et UMR 629)
Participants : Philippe Moyat (ETSMC et UMR 6298) : responsable hyperbare, prospections et sondages subaquatiques, photographies, relevés de terrain, sondages, traitement de données en DAO ; Marion Foucher (post-doctorante, UMR 6298) : sondage sur l’épave de Saint-Satur, étude des ardoises et des archives ; Murielle Bonnet, bénévole : sondage sur l’épave de Saint-Satur ; Luc Jaccottey (Inrap et UMR6249) : étude des meules de Bannay ; Catherine Lavier (UMR8220, UPMC, LAMS) : analyse dendrochronologique des bois prélevés ; Céline Bonnot-Diconne (2CRC) : traitement et étude des cuirs et matières végétales ; Gérard Mazzochi (association La tête dans la rivière) : prise d’images au cours du sondage de l’épave de Saint-Satur.
Financements : Ministère de la Culture (SRA Centre et Bourgogne, DRASSM)
Date de réalisation sur le terrain : du 3 au 22 août 2015
L’année 2015 a été plus propice que les deux précédentes aux recherches dans les chenaux actifs et nous avons repris le programme où nous l’avions laissé fin 2012, en réalisant trois actions de terrain, le niveau étant descendu pratiquement aussi bas qu’en 2003, année de la canicule : prélèvements d’une meule à Bannay, de bois à La Charité et sondage sur l’épave de Saint-Satur.
La cargaison de meules de Bannay comprend dix-sept meules disposées sur le sable, dans le chenal de la Loire (voir fiche de site dans Campagne 2013). Découvertes en 2012, elles avaient fait l’objet d’un relevé et d’un sondage qui a permis de vérifier l’absence de bateau sous les meules. Afin de déterminer précisément de quelle carrière proviennent ces meules perdues dans le chenal de la Loire, un prélèvement pour analyse pétrographique était nécessaire. L’étude de l’ensemble de cette cargaison serait souhaitable (L. Jaccottey) afin d’en déterminer la chaine opératoire employée pour les extraire et les façonner, ainsi que la typologie de ces outils. Cependant, au cours de ces trois dernières années, la Loire a presque totalement ré-enfouis ces meules sous le sable ; en août 2015, seule une toute petite portion de la meule n° 4 émergeait du sable, et nous avons dû la dégager avant de la prélever. Les difficultés rencontrées pour sortir une seule meule nous ont confortés dans l’idée que le prélèvement de l’ensemble, s’il était décidé un jour pour une étude complète et une présentation au public, devra se faire avec des moyens humains et matériels conséquents. L’étude est en cours.
A La Charité-sur-Loire, deux groupes de vestiges avaient été topographiés et en partie datés en 2010/2011. Ils correspondent très probablement à des piles ayant supporté des moulins pendant. Le premier groupe (ensembles 2, 3, 4 et 5) est constitué de deux fondations de piles très érodées (3 et 4), d’une digue destinée à concentrer le flux sur ces piles (2), et d’un aménagement de berge permettant l’accostage d’un bateau (5), le tout étant entouré de nombreux blocs. Des analyses radiocarbone placent cet ensemble entre le milieu du XIe et la fin du XIIIe siècle. L’analyse dendrochronologique de deux pieux prélevés sur le massif n° 3 permet de préciser cette fourchette chronologique et d’affirmer que cet aménagement a été mis en place et a fonctionné dans la première moitié du XIIIe siècle. En 2015, des prélèvements ont été effectués sur le massif n° 4, afin de vérifier sa contemporanéité avec le premier ensemble ; cependant, le nombre réduit de cernes n’a pas permis une datation dendrochronologique.
L’épave de Saint-Satur (dép. Cher) a été signalée en 2011 et datée par 14C dans la fourchette 1319 – 1435 ap. J.-C. Un sondage a pu être réalisé en août 2015 afin d’en faire l’expertise. Une de ses extrémités se trouve enfouie sous la berge côté rive droite, l’autre est cassée, ce qui ne permet pas de connaître sa longueur totale initiale, ni, en l’absence d’étude architecturale complète, de savoir de quel côté se trouve la proue et la poupe. Elle ne repose pas à plat sur le sable, mais présente un fort pendage, avec une inclinaison le sud (amont), ce qui a provoqué la disparition du flanc situé en aval, seuls la sole (le fond) et le flanc amont étant partiellement conservés.
Nous avons pu la dessiner sur une longueur de 11,50 m, et sa largeur préservée est de 3,40 m. Tous les bois visibles sont a priori en chêne. Il s’agit d’un bateau assemblé à fond plat, la sole étant constituée de planches parfois assez larges (40 cm). Au moins neuf sont visibles, cependant, leur nombre est sans doute supérieur car il est probable que certaines d’entre elles ne couvrent pas la longueur totale de l’embarcation et que des assemblages existent sous les blocs de pierre qui constituent la cargaison se trouvant encore en place. Une trentaine de renforts transversaux sont visibles, et sont constitués de courbes alternant avec des membrures plates. Plusieurs renforts localisés près de la berge, sous les blocs, sont manifestement cassés. On note que ces renforts sont nombreux et rapprochés, attestant que ce bateau a dès l’origine été conçu pour transporter une cargaison pondéreuse.
Le bateau de Saint-Satur possède les caractéristiques des embarcations traditionnellement rencontrées sur la Loire aux époques médiévales et modernes : bateau à fond plat, aux flancs assemblés à clin. Sa fouille complète permettra de vérifier s’il existe une emplanture de mât, et peut-être, si l’extrémité localisé près de la berge est conservé, un dispositif de gouvernail. Cette épave remontait le courant, comme en témoignent les ardoises qui constituent l’autre partie de la cargaison, et qui proviennent des gisements localisés près d’Angers.
Avec la fouille et l’étude complète de ce qui subsiste de l’épave de Saint-Satur, on disposera d’un cas concret d’épave remontant le courant de la Loire, chargée de pierres et d’ardoises, probablement à la charnière des XVe/XVIe siècles (d’après une première analyse dendrochronologique – C. Lavier). Les études en cours et à venir sur les pierres (analyse pétrographique pour détermination précise de l’origine), les ardoises, les chaussures en cuir également découvertes dans l’embarcation, le calfatage, et l’analyse architecturale complète de la coque permettront d’en proposer une restitution virtuelle. Il manquera néanmoins des informations en raison de l’absence d’au moins une des deux extrémités et d’un des deux flancs, et à cause de l’état des bois conservés. Cependant, il s’agit, dans l’état actuel des recherches, et pour tout le cours de la Loire, de l’épave antérieure au XVIIIe siècle, la mieux conservée. La poursuite de la recherche de comparaisons et de sources bibliographes est prévue au cours de l’année 2016.