Journée d’étude organisée par l’Université de Bourgogne et l’Université d’Anvers, avec le soutien des Archives Départementales de la Côte d’Or.
Mercredi 1er juin 2022
Dijon, Archives Départementales du Côte d’Or.
Organisation : Albane Lesouple (Université d’Anvers-Université de Bourgogne, ARTEHIS) , Martine Clouzot (Université de Bourgogne, ARTEHIS), Corinne Beck (Université de Valenciennes), Tim Soens et Peter Stabel (Université d’Anvers)
Contact pour informations et inscriptions: albane.lesouple@uantwerpen.be
Programme
– 10h00 : accueil
– 10h15 : ouverture de la journée (Martine Clouzot / Corinne Beck / Tim Soens)
– 10h30: Albane Lesouple (Université d’Anvers – Université de Dijon) : Introduction au foncier dijonnais
– 11h00: Peter Stabel & Tim Soens (Université d’Anvers – Centre for Urban History): Entre ville et campagne : le marché de la terre dans les petites villes de Flandre au bas Moyen Âge (Deinze et Oudenaarde).
– 11h30 : Boris Bove (Université de Rouen – GRHis): Les 3 échelles du terroir parisien au Moyen Age
– 12h00 : Discussion
– 12h30 : Pause Déjeuner
– 14h00: Samuel Leturcq (Université de Tours) : Jardins, vignes et vergers des petits et gros villages beaucerons au XVe siècle
– 14h30: Kathleen Pribyl (Université d’Anvers – Centre for Urban History) : Exploring land-use and terminology in late medieval Norwich and its environs
– 15h00 : Discussion
– 16h00 : clôture de la journée.
Pourquoi le foncier ?
Cette journée d’étude souhaite réunir les spécialistes d’histoire urbaine et d’histoire rurale du bas Moyen Âge, autour des questions de la terminologie et de l’utilisation du foncier par les différents acteurs économiques et sociaux. Elle s’inscrit dans le cadre du projet de recherche Food from Somewhere, porté par l’université d’Anvers, visant à analyser le rôle de la terre comme instrument de l’approvisionnement alimentaire des familles urbaines des derniers siècles médiévaux : des espaces vivriers en ville à la possession de terres à la campagne, et l’accès aux communaux en ville ou à la campagne.
Pour l’historien, une première difficulté émerge : celle de la compréhension du vocabulaire utilisé, de l’interprétation des différentes qualifications de la terre. En effet, on constate une assez grande variété du vocabulaire utilisé pour désigner les parcelles de terre, les jardins, les bâtiments agricoles etc. en ville comme à la campagne, selon le type de document pris en compte : des actes notariés aux comptabilités seigneuriales, municipales, en passant par les terriers, etc… Et quand bien même, les mêmes termes ou expressions se rencontrent d’un type de document à l’autre, recouvrent-ils nécessairement la même signification ?
De surcroît, il faut compter avec une grande diversité des expressions dans un même type de document sans que l’on sache véritablement, s’il s’agit d’expressions convenues ou désignant des réalités différentes. C’est notamment le cas dans les actes notariés bourguignons où l’on dénombre un ensemble d’expressions variées telles que « maison fons meix et appartenances», « maison ensemble ses appartenances », « maison et meix », « maison ensemble fons », et toutes autres sortes de déclinaison. Selon la coutume de Bourgogne, le meix correspond à l’habitation d’une famille paysanne jointe à autant de terre qu’il en faut pour l’occuper et la nourrir. Mais cet espace de vie désigne-t-il la même réalité en ville intra-muros, que dans les banlieues et faubourgs urbains ou encore dans la campagne ? Peut-on reconnaître des différences dans la manière d’appréhender le foncier selon que l’on est en ville, dans la périphérie urbaine et ou dans les campagnes avoisinantes ?
Derrière ces différentes formules administratives, se lisent des réalités juridiques, économiques et sociales, qui elles, ne manquent pas de s’entremêler et de questionner toujours l’historien médiéviste.
-La terminologie utilisée peut renvoyer au statut juridique de la terre, aux censives urbaines par exemple, nous renseignant sur la répartition des pouvoir (royaux/ducaux, ecclésiastiques, urbains…), fondamentale pour comprendre la structuration de l’espace urbain dans ses origines et tout au long de son développement, comment l’ont démontré par exemple Hélène Noizet et Boris Bove dans leurs travaux récents sur Tours et Paris1.
-Le foncier est aussi une réalité sociale. Pour Dijon, Thierry Dutour a ainsi pu montrer combien l’acquisition des biens fonciers a permis l’enrichissement des élites dijonnaises, multipliant ainsi les moyens de financements pour accumuler toujours plus. C’est aussi un moyen pour les urbains d’assoir leur domination sur la campagne.2
-Le foncier est aussi une réalité économique, un espace productif pour les activités agricoles, (jardinage et élevage), mais aussi pour les activités artisanales et bien sûr comme lieu d’habitation. De quelle manière la terminologie utilisée témoigne de ces usages productifs et fonctionnels de la terre ? Comment terminologie économique et statut juridique de la terre se croisent?
-Au cours du Moyen Age l’accès à la terre – à la campagne comme en ville – passe de plus en plus par le marché foncier. Pour Martha Howell la commercialisation de l’immobilier – à l’origine souvent indivisible et inaliénable comme constituant de l’unité familiale – a constitué une vraie révolution socio-culturelle et accéléré de façon significative la commercialisation de la société entière3. D’autre part, les historiens du monde rural ont démontré que l’existence d’un marché – même actif – de la terre, peut correspondre à différents logiques économiques : de l’accumulation foncière aux besoins familiaux4. C’est dire combien la compréhension de l’organisation sociale de l’économie est essentielle afin de comprendre le rôle du marché.
– Comment comprendre cette diversité terminologique ? S’accommodait-on de ce foisonnement de termes, de statuts ? Peut-on percevoir une tendance à la « simplification » dans la pratique des notaires comme des administrations seigneuriales et communales ? A contrario, cette complexité est telle qu’elle nécessite le recours indispensable à des spécialistes du droit ?
Ce sont là quelques-unes des questions autour desquelles cette journée d’étude est organisée, dans une perspective comparatiste : des Pays Bas bourguignons au duché de Bourgogne en passant par l’Angleterre et la France septentrionale.
1Hélène NOIZET, La fabrique de la ville : Espace et sociétés à Tours (ixe-xiiie siècle), Paris, Éditions de la Sorbonne, 2019.; Hélène NOIZET, Boris BOVE et Laurent COSTA, Paris, de parcelles en pixels. Analyse géomatique de l’espace parisien médiéval et moderne, Vincennes, Presses Université de Vincennes, 2013.
2Thierry DUTOUR, Une société de l’honneur : les notables et leur monde à Dijon à la fin du Moyen âge, Paris, France, Honoré Champion éditeur, 1998, p 361.
3 Martha Howell, Commerce before capitalism in Europe, 1300-1600. Cambridge, Cambridge University Press, 2010 ; voyez aussi: Boris BOVE, Benoît DESCAMPS, Simone ROUX et Yvonne-Hélène Le MARESQUIER, « Sources foncières et marché immobilier à Paris (XIII e – XVI e siècles) », , 2014, p. 37.
4Ex. Laurent Feller et Chris Wickham, Le marché de la terre au moyen âge, Rome, Ecole Française de Rome, 2005 ; Bas van Bavel and Peter Hoppenbrouwers, Landholding and land transfer in the North Sea Area (late middle ages – 19th century), Turnhout, Brepols, 2004.