Saint-Satur (Cher) : fouilles de l’épave / campagne 2017
Fouilles de l’épave de Saint-Satur dans le lit de la Loire (département du Cher, région Centre) / campagne 2017
Cette opération est placée sous la responsabilité d’A. Dumont, co-financée par le SRA Centre, le DRASSM, et la Région Centre Val de Loire, via l’Association ARCHEA. Le DRASSM a également mis à disposition des moyens humains (temps de travail d’A. Dumont pour les phases terrain et rédaction du rapport) et logistiques (matériel de plongée).
Le projet associe divers collaborateurs : M. Foucher (UMR ARTEHIS, étude de la cargaison), P. Moyat (ETSMC et UMR ARTEHIS, fouille et restitution 3D de l’épave), Alexandre Polinski (UMR6566 – CReAAH), Gérard Mazzochi (archéologue bénévole), Christophe Fraudin (cadreur, réalisateur), Association La Tête dans la Rivière, Céline Bonnot-Diconne (2CRC – traitement et étude des cuirs et matières végétales), Catherine Lavier (UMR8220, UPMC, LAMS), étude dendrochronologique.
Découverte en 2011, sondée en 2015, l’épave de Saint-Satur représente un potentiel inédit pour la connaissance de l’architecture navale du bassin de la Loire à la fin du Moyen Age, pour l’histoire de la circulation des matériaux sur le fleuve et la vie quotidienne des mariniers de cette époque. Pour cette raison, il a été décidé de la fouiller entièrement au cours d’une campagne qui a eu lieu en août 2017.
Pour arriver à réaliser le relevé complet de la coque afin d’en faire une étude architecturale, les blocs qui constituent la cargaison ont été enlevés un par un à l’aide d’une pelle mécanique. Ils ont été déposés sur la plage pour les étudier, avant de les remettre en place lorsque le relevé de la coque a été achevé.
Des échantillons de pierre ont été prélevés pour détermination, ainsi que des ardoises, et des morceaux de bois pour analyse dendrochronologique. Ces études sont en cours et les résultats seront disponibles début 2018.
A l’issue de la campagne de fouille 2017, on peut d’ores et déjà revenir sur l’hypothèse formulée en 2015 : les ardoises originaires de l’Anjou, présentes avec la cargaison de blocs, nous avaient laissé supposer que ce bateau remontait le courant de la Loire puisqu’il n’existe pas de gisement d’ardoise en amont. L’analyse pétrographique effectuée sur un échantillon de la pierre transportée désigne les calcaires bathoniens et calloviens (Jurassique moyen) du Nivernais. Ces calcaires, qui affleurent essentiellement dans les environs d’Apremont-sur-Allier dans le Cher, et de Nevers dans la Nièvre, ont été exploités respectivement sous les noms de « pierre d’Apremont » et « pierre de Nevers ». Ces deux matériaux présentent des caractéristiques lithologiques assez proches et peuvent donc facilement être confondus, aussi, une analyse complémentaire est en cours. Quel qu’en soit le résultat, il apparaît évident que l’épave descendait la Loire avec des blocs extraits en amont, et des ardoises issues d’un stock déposé dans un port en bord de fleuve ou d’un autre chantier.
Une fois les blocs enlevés, une partie du plancher qui protégeait la coque du poids des pierres, a été démontée. Constitué de fines planches en chêne comprenant un nombre parfois importants de cernes, il a été prélevé et échantillonné sur place par C. Lavier.
Les quelques planchettes extraites en 2015 de l’épave avaient révélé que les bois avaient probablement été coupés à la charnière entre le XVe et le XVIe siècle. La date 14C effectuée en 2012 donnait, en âge calibré, une fourchette comprise entre 1319 et 1435 ap. J.-C., soit entre le début XIVe et le début XVe siècle. Elle est donc plus ancienne que la date obtenue après la première analyse dendrochronologique. Il est probable que ce décalage de près d’un siècle soit lié au fait que l’échantillon pour l’analyse radiocarbone a été prélevé sur une extrémité de membrure érodée qui émergeait du sable en 2011. Si cette membrure a été taillée dans un chêne centenaire, ce qui est tout à fait possible, et que le prélèvement a concerné le cœur de l’arbre, la date 14C serait plus proche du début de la croissance de l’arbre que de celle de son abattage. Les planchettes analysées en dendrochronologie font partie d’un plancher rapporté sur le fond de l’épave, mais ce fait ne permet en aucun cas d’expliquer un décalage de 100 ans car la durée de vie des embarcations fluviale est beaucoup plus courte, et, dans de bonnes conditions, n’excèdent pas trente années. La suite de l’étude des bois permettra sans doute de préciser la date de coupe des arbres.
Une fois le plancher enlevé, la structure de la coque était alors visible et a pu être dessinée et photographiée. On a pu ainsi observer des réparations, le rythme des renforts transversaux, ainsi que les techniques d’assemblage employées par les constructeurs.Si l’on se réfère aux connaissances disponibles, le bateau de Saint-Satur possède les caractéristiques des embarcations traditionnellement rencontrées sur la Loire aux époques médiévales et modernes : bateau à fond plat, aux flancs assemblés à clin. Sa fouille complète a permis de vérifier qu’il était muni d’une emplanture de mât, même si celle-ci se trouve sur l’une des pièces de bois les plus dégradées ; en revanche, les deux extrémités étant inaccessibles (l’une est détruite, l’autre est enfouie sous la berge) aucun dispositif de gouvernail n’a pu être observé.
Nous avons découvert cinq nouvelles chaussures en cuir, deux fragments de cuir et un fragment de textile. Les chaussures viennent compléter la série découverte il y a deux ans ; leur traitement pour conservation a été effectué par Céline Bonnot-Diconne (laboratoire 2CRC à Moirans), et l’étude complète est prévue pour 2018.
L’épave contenait également un maillet de charpentier en bois (conservé avec le manche), et un couteau avec lame en fer (très corrodée) et manche en bois conservé, ainsi que quelques clous. Ces objets seront stabilisés dans les laboratoires Nucleart à Grenoble (bois gorgé d’eau) et au CREAM à Vienne (métal) et seront ensuite étudiés, leur manipulation étant très délicate tant qu’ils ne sont pas traités.
Les deux objets métalliques découverts en 2015, une gouge et un fer de bâton de quartier, viennent de sortir du traitement de stabilisation (CREAM).
Ces découvertes restent exceptionnelles car il est très rare que ce type d’éléments soit préservé dans le sable de la Loire. Ils se trouvaient au fond de la coque, sous les blocs, et près du flanc conservé, soit dans les zones qui ont été le moins soumises à l’érosion.
Un film de 13’ réalisé par l’Association La tête dans la rivière, Web-TV spécialisée dans la vulgarisation scientifique sera disponible dans le courant de l’année 2018.