Prospections subaquatiques dans le Doubs entre Saunières et Sermesse / campagne 2011
Nom de l’opération : Prospections subaquatiques dans le Doubs entre Saunières et Sermesse
Date : 2011
Responsable : Annie Dumont, Ministère de la Culture (DRASSM) et UMR 6298ARTEHIS
Participation de :Philippe Moyat, Claire Touzel, Michelle Hamblin, , Georges Lemaire (DRASSM), Sylvain Morgalet, Agnès Stock (Chrono-Environnement)
Les prospections subaquatiques menées en 2011, entre les communes de Sermesse et de Saunières, dans le prolongement de la zone investiguée en 2009 puis en 2010, ont permis de découvrir quatre nouveaux ensembles de pieux et de piquets en bois. Leur position dans le chenal et leur configuration permet de les attribuer soit aux restes de pièges à poissons, soit aux vestiges de digues destinées à diriger l’eau sur un moulin flottant. Ces deux activités ayant existé sur une longue durée dans ce secteur (périodes médiévale à contemporaine), les deux hypothèses sont à considérer. Seule une étude plus précise (décapage et sondages), et la découverte de mobilier associé, permettraient de conforter l’une ou l’autre de ces hypothèses.
Le premier ensemble comprend 71 pieux verticaux formant plusieurs lignes prolongeant des groupes de pieux topographiés en 2011 et datés par 14C dans la fourchette 1448-1634. Cinq analyses effectuées sur les bois découverts en 2011 confirment le rattachement de cette structure à l’époque moderne, entre le XVe et le XVIIe siècle.
Le second ensemble, localisé très près de la rive gauche, est formé de 93 pieux au total. Une ligne de pieux, longue de 57 m, parfois doublée par des pieux plantés de part et d’autre (renfort et réparation probables), est disposée en oblique depuis le chenal en direction de la berge. Elle forme un angle peu ouvert avec un autre groupe de pieux dont une partie est disposée parallèlement à la rive (fig. 1). Cinq datations radiocarbone permettent de placer le fonctionnement de cet aménagement entre le XVe et le XVIIe siècle.
Le troisième ensemble de pieux est également très près de la rive gauche. Il est constitué de 84 pieux répartis en trois groupes qui forment, malgré des interruptions, un alignement légèrement oblique partant de la berge et allant en direction du chenal. A l’extrémité aval de cette structure, une meule entière (fig. 2), plusieurs fragments de meules et un gros bloc quadrangulaire percé en son milieu ont été découverts, ce qui laisse penser à une digue destinée à canaliser l’eau sur un moulin flottant. Un retour sur ce secteur permettra de dégager ces meules afin d’en faire un relevé précis, et de vérifier la présence ou l’absence d’épaves. Ces meules peuvent correspondre à des rejets effectués depuis le moulin flottant alors qu’il fonctionnait encore. Le moulin aurait ensuite pu être déplacé et les meules rejetées seraient restées à cet emplacement. Leur étude permettra sans doute de dire si on est bien en présence de meules usagées devenues inutilisables. Six pieux ont été datés par 14C : ils attestent la mise en place de ces lignes de pieux entre la fin du Xe s. et la fin du XIIe siècle.
Le quatrième ensemble se trouve à une quarantaine de mètres de la rive gauche. Il est constitué de quatorze pieux disposés en deux lignes qui forment un V. A l’extrémité aval de cette digue se trouve un amas de briques et de tuiles provenant de la tuilerie de Navilly et datant du XIXe siècle (fig. 3). La Minute d’Etat Major, levée au 1 :40 000e au cours de la première moitié du XIXe siècle, montre qu’à cet endroit un moulin flottant était installé dans le chenal (fig. 4). C’est probablement ce moulin qui est cité dans deux documents d’archives retrouvés par Laurent Gourillon dans le cadre de son étude du moulin de Sermesse. Une datation sur un des pieux de la digue confirme son appartenance à la période contemporaine. Cette digue (ou benne) a probablement en partie été détruite par les dragages. Il est possible que l’amas de tuiles et de briques corresponde à la cargaison d’un bateau qui aurait fait naufrage en ce point après avoir accroché et déchiré sa coque sur les pieux qui formaient un écueil important au moment des basses eaux.
Parallèlement aux recherches subaquatiques, une prospection au sonar à balayage latéral effectuée par Jean-François Mariotti (Ministère Culture, SRA Poitou-Charentes) a permis de localiser vingt-trois anomalies entre Pontoux et Les Bordes, près de la confluence avec la Saône, qui devront faire l’objet de vérifications en plongée. Plusieurs images montrent nettement des concentrations de blocs, une probable pirogue ainsi qu’une anomalie ressemblant à une épave.
La campagne 2011 a confirmé la richesse du chenal du Doubs entre les communes de Sermesse et de Saunières. Les vestiges découverts se rattachent, pour le moment, aux époques médiévale, moderne et contemporaine (début XIXe s.). Cependant, la présence contre la rive droite d’indices d’époque gallo-romaine, ainsi que les découvertes anciennes liées aux dragages, laissent augurer de possibles futures découvertes se rattachant à cette période.
Grâce au recours à différentes méthodes d’investigation, prospection subaquatique systématique d’une portion de chenal dans des couloirs balisés, investigation au sonar, et recherche dans les archives, on a pu mettre en lumière le fort potentiel archéologique du lit du Doubs malgré les dragages qui l’ont touché.